À la recherche de l’ingrédient mystère de l’Univers, conversation avec Françoise Combes

Parution dans la presse

Françoise Combes est astrophysicienne à l’Observatoire de Paris, professeure au Collège de France et présidente de l’Académie des sciences.

17.04.2025
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Françoise Combes a obtenu la médaille d’or du CNRS en 2020. Fourni par l'auteur

Françoise Combes est astrophysicienne à l’Observatoire de Paris, professeure au Collège de France et présidente de l’Académie des sciences. En 2020, elle reçoit la médaille d’or du CNRS pour récompenser une carrière consacrée à l’étude de la dynamique des galaxies.

Avec Benoît Tonson et Elsa Couderc, chefs de rubrique Science à The Conversation France, la chercheuse lève le voile sur l’un des grands mystères de l’Univers : la matière noire. De la découverte d’une « masse manquante », en passant par l’hypothèse de la gravité modifiée, jusqu’aux grands projets internationaux de télescopes qui pourraient aider les scientifiques à caractériser cette matière imperceptible. Elle analyse également la situation actuelle des sciences aux États-Unis et dans le monde après l’électrochoc de l’élection de Donald Trump.


The Conversation : Vous vous intéressez à la matière noire, qu’est-ce que c’est ?

Françoise Combes : La matière noire, c’est de la matière invisible, parce qu’elle n’interagit pas avec la lumière : elle n’absorbe pas et n’émet pas de lumière, c’est pour cela qu’elle est appelée « noire ». Mais dans la pièce où nous sommes, il y en a peut-être et on ne la voit pas. En réalité, cette matière n’est pas noire, mais transparente. Ce problème nous questionne depuis des dizaines d’années.

D’où vient le concept de matière noire ? Les astrophysiciens ont observé un manque de masse pour pouvoir expliquer la dynamique des objets astronomiques, comme les galaxies, dont les étoiles et le gaz tournent autour de leur centre. Cette vitesse de rotation est très grande et la force centrifuge devrait faire éclater ces objets, s’il n’y avait pas de la masse pour les retenir. C’est aussi vrai pour les amas de galaxies. La conclusion inévitable est qu’il manque beaucoup de masse. Cette « masse manquante » est nécessaire pour faire coller la théorie et les calculs avec les observations.

À l’origine, les chercheurs pensaient que c’était de la masse ordinaire : c’est-à-dire des protons et des neutrons – la matière dont nous sommes faits, en somme. Mais ils se sont aperçus en 1985 que cette masse manquante ne pouvait pas être faite de matière ordinaire.

Prenons la nucléosynthèse primordiale, qui se déroule dans le premier quart d’heure de l’histoire de l’Univers où l’hélium et le deutérium se forment. S’il y avait suffisamment de matière ordinaire pour expliquer les observations sur la vitesse de rotation des galaxies, on ne mesurerait pas du tout la quantité d’hélium que l’on observe actuellement dans le Soleil, par exemple. On mesurerait beaucoup plus d’hélium et de lithium. Il a donc été établi, dans les années 1990, que seulement 5 % du contenu de l’Univers est fait de matière ordinaire !


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T. C. : Donc, si cette « masse manquante » est invisible, elle doit être faite d’autre chose…

F. C. : Oui, et une confirmation de ce fait est venue avec la détection des fluctuations primordiales du fond diffus cosmologique, vestige du Big Bang. Ces fluctuations sont détectées au tout début de l’histoire de l’Univers, environ 380 000 ans après le Big Bang. Il s’agit de toutes petites fluctuations de la lumière dans le domaine des microondes. À cette époque, la matière ordinaire interagit avec la lumière et cette interaction, par la pression de radiation, empêche la condensation en structures, celles qui vont former les galaxies notamment. S’il n’y avait eu, à cette époque, que de la matière ordinaire, il n’y aurait pas aujourd’hui de galaxies, ni même une seule étoile.

Les chercheurs ont donc compris, entre 1985 et 1990, qu’il fallait supposer l’existence d’une matière qui n’interagisse pas avec la lumière : ainsi, elle ne subit pas la pression de radiation et peut alors s’effondrer sous l’effet de sa propre gravité. C’est la « matière noire » qui va permettre de créer des « galaxies noires », sans matière visible à ce moment-là. Ensuite, 380 000 ans après le Big Bang, la matière va se refroidir en dessous de 3 000 °K. À cette température, les protons et les électrons se recombinent et forment l’hydrogène qui interagit beaucoup moins avec la lumière que les particules chargées. À ce moment, la matière ordinaire peut, si je puis dire, tomber dans les galaxies noires déjà établies et former des étoiles et les galaxies visibles.

T. C. : Cette terminologie de « matière noire » ne semble pas vous convenir…

F. C. : En effet, cela donne l’impression qu’il y aurait quelque chose de noir qui nous empêcherait de voir derrière. Mais ce n’est pas noir, c’est transparent. On devrait plutôt parler de « masse manquante », mais bon, tout le monde utilise ce terme, il faut faire avec !

T. C. : Au fur et à mesure des études sur la matière noire, des candidats ont été imaginés par les physiciens, puis beaucoup ont été écartés…

F. C. : Oui, depuis 1985, beaucoup de pistes ont été éliminées. Il faut en éliminer, sinon il n’est pas possible d’approfondir les bonnes pistes. C’est un peu comme un enquêteur qui a une dizaine de pistes, il ne peut pas toutes les étudier : ça le ralentirait énormément.

Prenons, d’abord, les Wimp parce qu’ils ont été un candidat privilégié pendant de nombreuses années. Wimp signifie Weakly Interacting Massive Particles (en français, particules massives interagissant faiblement). Il existe quatre interactions en physique : l’électromagnétisme, la gravité, puis les deux forces nucléaires forte et faible. L’idée est que s’il existe une interaction entre les particules de matière noire, cela ne peut être qu’une interaction faible. Le Wimp est une particule sans charge, et elle est sa propre antiparticule. Ces particules vont s’annihiler progressivement, par cette interaction faible, jusqu’au moment où l’expansion de l’Univers aura tellement diminué leur densité qu’elles ne pourront plus se rencontrer. Leur abondance sera alors gelée à une valeur « relique ».

Il faut savoir que la matière noire constitue 25 % de notre Univers. Pour que la densité « relique » réponde à cette proportion, il a été calculé que la masse d’un Wimp devait être d’à peu près 100 fois la masse du proton. Ces particules ont été recherchées, et cette recherche de détection directe continue aujourd’hui par des expériences dans le tunnel du Gran Sasso en Italie, par exemple : les particules de matière noire incidentes pourraient entrer en collision avec les noyaux du détecteur, et les faire reculer. Mais aucune collision n’a été détectée !

Une autre approche pourrait être de créer ce Wimp dans un accélérateur de particules, comme au Cern (Large Hadron Collider, LHC). La collision entre deux protons, lancés à des vitesses proches de celle de la lumière, libère énormément d’énergie. Cela crée les conditions d’un mini Big Bang. Avec ce type d’énergie, il est possible de créer une particule de 100 fois la masse du proton. Mais aucune particule exotique n’a été détectée… C’est ce qui a fait tomber ce candidat qui était privilégié depuis trente ans. Ceci a été réalisé vers 2015.

T. C. : C’était donc la fin de l’aventure du Wimp, quelles pistes sont encore ouvertes ?

F. C. : La communauté a également beaucoup travaillé sur la piste du neutrino stérile. C’est une particule inventée de toute pièce. Il faut savoir qu’il existe trois types de neutrinos, qui sont de chiralité gauche, et les physiciens ont imaginé trois neutrinos miroirs, qui ont une chiralité droite (une particule chirale est non superposable à son image dans un miroir, elle a une « latéralité », comme une chaussure droite vis-à-vis de la gauche). Cette théorie rencontre des problèmes : d’une part, des contraintes astrophysiques sur la formation des structures, qui leur affectent une masse trop grande. D’autre part, si le nombre de neutrinos est plus grand que trois, cela devrait accélérer l’expansion au début de l’Univers, au-delà de ce qui est observé dans le fond cosmologique par le satellite Planck. Enfin, des expériences de détection des neutrinos stériles au Fermilab (États-Unis) n’ont donné aucun résultat.

Actuellement, le candidat qui monte est l’axion. Beaucoup de simulations cosmologiques ont été effectuées avec cette particule pour tester ses capacités à reproduire les observations. Là aussi, il s’agit d’une particule hypothétique qui aurait une masse extrêmement faible. Avec un champ magnétique très fort, elle pourrait se changer en photon, mais, là encore, rien n’a été détecté. Même près des étoiles à neutrons, qui bénéficient de champs magnétiques extrêmes.

T. C. : Mais si on n’arrive pas à détecter cette matière noire, peut-être faut-il en conclure qu’elle n’existe pas ?

F. C. : C’est possible, cette idée a déjà été proposée en 1983, mais, dans ce cas de figure, il faut alors valider l’idée qu’il existe une gravité modifiée. C’est-à-dire changer la loi de gravité en champ faible.

Dans le système solaire, le champ est très fort : la gravité de notre étoile, le Soleil, suffit à maintenir tout le système en régime de champ fort. La force de gravité décroît comme le carré de la distance. Il faut s’éloigner très loin du Soleil pour que son champ de gravité devienne assez faible, au-delà du nuage d’Oort, qui est un ensemble de petits corps, d’où viennent les comètes, entre 20 000 et 30 000 unités astronomiques (cette unité est la distance Terre-Soleil, soit environ 150 millions de kilomètres). De même, dans notre galaxie, la Voie lactée, l’ensemble des étoiles au centre a une densité telle, que le champ de gravité combiné est très fort. Il n’y a pas de masse manquante, il n’est pas nécessaire de supposer l’existence de matière noire ou de gravité modifiée ; la physique newtonienne classique permet d’expliquer l’équilibre au centre, mais pas au bord. C’est sur les bords de notre galaxie qu’il manque de la masse.

Notre équipe a effectué des simulations avec cette gravité modifiée, pour la confronter aux observations. Avec Olivier Tiret, nous avons pu reproduire les premières interactions entre galaxies avec le champ de gravité modifiée et nous avons montré que le scénario marchait très bien.

Pour résumer, soit la loi de la gravité est supposée être toujours la même en champ faible, et il faut alors ajouter de la matière noire, soit il n’y a pas de matière noire et il faut supposer que la loi de la gravité est modifiée en champ faible. Car le problème de la masse manquante ne survient que dans les cas de champ faible. En champ fort, il n’y a jamais de problème de matière noire.

T. C. : Et parmi toutes ces hypothèses, quelle est celle qui a le plus de valeur à vos yeux ?

F. C. : Eh bien ! Je n’en sais rien du tout ! Parce que cette gravité modifiée, qui est étudiée par certains astronomes depuis quarante ans, est encore assez empirique. Il n’y a pas de théorie encore bien établie. De plus, si elle explique très bien la dynamique de toutes les galaxies, elle ne reproduit pas bien les amas de galaxies.

La solution est de rajouter soit un petit peu de neutrinos, soit même de la matière ordinaire qui manque. Parce qu’en fait, ce que l’on oublie généralement de dire, c’est que toute la matière ordinaire de l’Univers n’a pas été identifiée. La matière qui correspond aux galaxies, aux étoiles au gaz chaud dans les amas de galaxies, ne correspond qu’à 10 % de la matière ordinaire. On peut déduire des absorptions de l’hydrogène dans les filaments cosmiques qu’il pourrait y en avoir une quantité importante, mais au moins la moitié de la matière ordinaire n’est toujours pas localisée.

Donc, il y a beaucoup de protons et de neutrons manquants. Il suffirait d’en mettre une petite pincée dans les amas de galaxies pour résoudre notre problème de gravité modifiée. En résumé, la matière ordinaire manquante n’est pas encore localisée. Elle ne peut pas être toute dans les galaxies, il y en a peut-être dans les amas de galaxies, mais surtout dans les filaments cosmiques.

En 2015, quand l’hypothèse du Wimp est tombée, ce fut un choc pour la communauté. Et il ne faut pas penser que celle-ci est homogène, certains ont été convaincus tout de suite, mais, chez d’autres, cela a pris plus de temps et certains ne sont toujours pas convaincus. Notamment ceux qui ont travaillé sur le Wimp pendant toute leur carrière. Mais, à chaque fois, le scénario est identique lorsqu’il y a une découverte qui bouscule tout. Il y avait par exemple des astronomes détracteurs de l’existence du Big Bang. L’opposition s’est éteinte lorsqu’ils sont partis en retraite.

En ce qui concerne la gravité modifiée, les progrès sont indéniables. Le problème du début de l’Univers, des galaxies primordiales et des fluctuations est en passe d’être résolu. Par contre, dans les amas, ce n’est toujours pas le cas. La recherche est toujours en cours. Aussi bien dans la théorie de la matière noire que dans celle de la gravité modifiée, il y a des problèmes des deux côtés. Lorsque tous les problèmes seront résolus, une piste ressortira. Mais, pour l’instant, il faut rester attentif et agnostique, en travaillant sur les deux en attendant de savoir de quoi le futur sera fait.

T. C. : Justement, parlons du futur, il y a de nouveaux projets de télescopes, est-ce que cela pourrait vous aider ?

F. C. : Oui, je peux d’abord vous parler du télescope spatial Euclid, qui va décupler les détections de lentilles gravitationnelles, permettant de dresser des cartographies de matière noire. Le télescope va observer presque tout le ciel, et notamment les galaxies de fond, lointaines. Leurs rayons lumineux sont déviés par la matière qu’il y a entre elles et nous. Ce sont ces déformations qui nous renseignent sur la quantité de matière noire. Les images des galaxies de fond sont déformées de manière faible. Cela ressemble à un cisaillement qui permet de déduire statistiquement les cartes de la matière invisible.

Comme chaque galaxie a sa propre forme, il faut observer un très grand nombre de galaxies, ce qui sera possible avec Euclid. On aura 12 milliards d’objets à des profondeurs différentes.

Par ailleurs, et toujours avec ce télescope, il sera possible d’observer les oscillations acoustiques baryoniques, des ondes sonores qui se sont propagées au tout début de l’Univers et qui ont laissé des empreintes dans les structures à grande échelle. Ces structures ont une taille caractéristique, correspondant au chemin parcouru par le son depuis le Big Bang. Lorsque la matière est devenue neutre et s’est découplée de la lumière, 380 000 ans après le Big Bang, la taille de ces structures est restée gelée, et n’augmente qu’avec l’expansion de l’Univers. Il suffit de mesurer cette taille caractéristique à diverses époques pour en déduire la loi de l’expansion de l’Univers. Celle-ci est en accélération aujourd’hui, mais sa loi d’évolution dans le passé n’est pas encore connue. Tous ces résultats seront obtenus vers 2030.

T. C. : Et le télescope James-Webb ?

F. C. : Le JWST nous a montré qu’il y avait beaucoup de galaxies primordiales massives. Il peut observer dans l’infrarouge et donc peut détecter de la lumière provenant de très loin. Ces galaxies se sont formées bien plus tôt que ce que l’on pensait. En plus, en leur centre se trouvent des trous noirs très massifs. Ceci est une surprise, car le scénario de formation attendu était un scénario très progressif. De petits trous noirs se formaient aux premières époques, qui fusionnaient pour former des trous noirs très massifs aujourd’hui ; le scénario est à revoir !

T. C. : Il y a également le projet SKA…

F. C. : Oui, ici l’observation va capter des ondes radio. SKA signifie Square Kilometre Array (un kilomètre carré de surface, en français) ; il est fait d’une multitude d’antennes en Afrique du Sud et en Australie. Ce sont les moyennes fréquences en Afrique du Sud et les basses fréquences en Australie. Comme Euclid, SKA va regarder tout le ciel, mais, puisque ce sont des longueurs d’onde très différentes, ce sont d’autres populations de galaxies qui seront observées. Il sera possible également de cartographier la matière noire. SKA est donc complémentaire à Euclid.

T. C. : Vous avez travaillé dans de nombreux pays, fait-on la même science partout ?

F. C. : Nous, les astrophysiciens, faisons la même science partout. L’astrophysique est une science mondialisée depuis très longtemps. L’observation du ciel a besoin de gros instruments, qui sont relativement très coûteux. Prenons l’exemple de l’ESO, qui a été fondé, vers 1960, avec l’objectif de construire un télescope dans l’hémisphère Sud. Auparavant, chaque pays avait son télescope localement, mais, pour construire de grands télescopes au Chili, il fallait unir ses forces. Ce qui a conduit à l’Observatoire européen austral ESO : un vrai projet européen. Et maintenant, avec SKA, il s’agit même d’un seul instrument pour le monde entier, y compris la Chine. Il n’y a plus la compétition entre pays. Avec le James-Webb et Euclid, on a également des collaborations entre États-Unis et Europe.

T. C. : Votre communauté a donc réussi la prouesse de collaborer mondialement, comment voyez-vous la suite avec l’arrivée de Donald Trump au pouvoir ?

F. C. : La politique de l’administration Trump est en train de faire des coupes drastiques dans les budgets scientifiques et de licencier jusqu’à 20 % des postes. Notre communauté n’est pas la plus affectée. À l’Académie des sciences, nous avons publié un communiqué de presse pour exprimer notre solidarité avec nos collègues, et, surtout, avec plusieurs secteurs en danger : la biologie et la santé, notamment, les recherches sur le changement climatique, l’environnement, la diversité, l’équité et l’inclusion. Des doctorants et postdoctorants ont été renvoyés du jour au lendemain et interdits d’accès à leurs ordinateurs. Il existe des mots interdits, dans la recherche et dans les publications.

Du côté de la NASA, les programmes supprimés sont ceux de la surveillance de la Terre, ce qui impacte fortement la capacité de prédire les événements climatiques, comme les ouragans et les cyclones, ou ceux qui étudient les pollutions. En ce qui concerne les programmes spatiaux, les craintes sont que tous les budgets soient focalisés sur l’envoi d’humains sur Mars, aux dépens de missions plus scientifiques.

Il faut également rappeler les difficultés du lancement du satellite Euclid, qui avait été prévu avec un lanceur Soyouz en Guyane. Après la guerre lancée par les Russes en Ukraine, tout a changé. Ariane n’ayant aucun créneau de libre avant des années, il a fallu se tourner vers SpaceX pour le lancement.

T. C. : Les grandes coopérations spatiales ne sont donc pas encore menacées, mais vous n’êtes pas rassurée pour autant pour la science en général ?

F. C. : Oui, lors du premier mandat de Donald Trump, les réactions des antisciences s’étaient déjà manifestées avec, notamment, la sortie de l’accord de Paris sur le climat. Maintenant, tout se passe encore plus vite, avec la menace de sortir de l’OMS, de supprimer l’Usaid, de démanteler des programmes entiers. Certains juges réagissent, car souvent ces actions ne sont pas légales, et tout peut être remis en question.

Nous sommes aussi très inquiets pour les NIH (National Institutes of Health), dont de nombreux scientifiques ont été licenciés ou encouragés à prendre leur retraite. En janvier, les chercheurs du NIH étaient interdits de publier et de voyager ! Des collègues biologistes nous ont expliqué avoir vu de jeunes chercheurs en postdoctorat se faire licencier du jour au lendemain par mail. Des personnes en train de travailler sur l’écriture d’un article scientifique et qui, d’un coup, n’avaient plus accès à leur ordinateur pour le terminer.

Il est possible que les chercheurs licenciés essaient de trouver des pays plus accueillants. La France fait des efforts, au niveau gouvernemental, pour offrir des postes à ces « réfugiés scientifiques », mais aussi universitaires. Une pétition a circulé pour demander à la Commission européenne de débloquer des fonds pour cet accueil.

T. C. : Avez-vous vu une réplique de vos homologues américains ?

F. C. : Il n’y a pas vraiment eu de levée de boucliers très forte encore, non. Peut-être que l’Académie américaine est très dépendante du gouvernement fédéral et ne peut pas réagir. Il y a aussi une certaine sidération, et de l’expectative en attendant de savoir si toutes ces menaces vont être mises à exécution. Il y a aussi une grande part de peur de représailles et de coupures ou de licenciements encore plus graves. Le 7 mars, les scientifiques se sont réunis pour une manifestation Stand Up for Science aux États-Unis, qui a été accompagnée en Europe dans beaucoup de pays.The Conversation

Françoise Combes, Astrophysicienne à l'Observatoire de Paris - PSL, Sorbonne Université

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.